A Monsieur Le Dirigeant Harold
Section de Commandement
Monsieur Le Dirigeant,
Je me permets de vous écrire sachant très bien que vous ne consentiriez pas à me voir. Vous -vous doutez probablement déjà que j'ai une faveur à vous demander, ou plutôt vaudrait-il mieux parler d'honneur que vous pourriez me faire.
Avant tout, je vous prie de bien vouloir accepter mes excuses pour toutes les
fautes que j'ai pu commettre au sein de la communauté de l'abri.
Je suis consciente de l'outrage commis envers vous lorsque je tagguai le poster
de Notre Seigneur, lors du cours de religion et lorsque je vandalisai la salle
de prière avec mes amis. Je n'avais que 15 ans, et j'ai payé pour
cela.
Le vieux maître en sciences informatiques, Monsieur LEE, qui n'est plus
aujourd'hui, paix à son âme, m'a lui-même accordé
son pardon, et Dieu seul sait que je ne le méritais pas. Ma petite farce
consistant à modifier un certain nombre de programmes pour les rendre
plus
attrayants n'était pas passée inaperçue au sein
de la communauté ; mais cette fois encore, je me pliais à la sanction.
Quant à mes récents propos contre le règlement de l'abri
et contre vous, dans notre gazette satirique, je vous prie de ne voir dans ces
mots, que l'ignorance, la naïveté et la vigueur qui caractérisent
ceux de mon âge. Et si je vais parfois trop loin, c'est parce que mes
rêves sont encore si loin de se réaliser, tant d'énergie
refoulée, tant d'envie de vivre comme vécurent un jour, il y a
longtemps, nos chanceux aïeuls.
Vous avez connu Louise de Montségur, ma dirigeante de grand-mère.
Quelle femme et quel caractère ! Je n'ai malheureusement pas hérité
de son goût pour l'ordre, la loi et les règlements, cependant,
je crois avoir le même désir qu'elle : faire partie des hommes
et des femmes qui font l'histoire, qui auront à jouer un rôle dans
la survie de notre civilisation.
C'est pourquoi, je vous prie, je vous supplie, de bien vouloir accepter que
je rejoigne le groupe de jeunes gens sélectionnés pour sortir
de l'abri. Je crois que certains ont été déjà élus.
Que puis-je faire de mieux pour me faire pardonner pour les erreurs que j'ai
pu commettre que de vous servir en contribuant de mon mieux à cette mission
?
Je sais que vous me faites surveiller depuis l'histoire de la gazette. Vous
devez donc savoir que depuis plus d'un an et depuis la rumeur d'une mission,
je travaille plus que jamais au maniement de mes armes préférées,
j'étudie tout ce que nous avons de plus fouillé sur l'histoire
de notre civilisation et plus particulièrement sur la spiritualité.
Je me sens profondément l'âme d'une guerrière.
(Ne vous moquez pas de moi, je vous imagine rire à la lecture de cette
dernière phrase. )
Une seule chose me manque, le goût de la terre lorsque le guerrier tombe
au sol, le goût du sang lorsqu'il éventre son ennemi, le goût
de la pluie, de la neige, la douceur de l'herbe lorsqu'il se repose après
un combat. Quel goût les hommes du dehors ont-ils sur leurs lèvres
? Oui, seul le GOUT me manque. Je ne me sens pas l'âme d'une mère,
d'une femme professeur, ou encore d'une cuisinière, mon rêve n'est
pas là, je veux sortir.
Acceptez ma demande, acceptez ma candidature, acceptez que je vois le soleil,
je vous en supplie.
Si vous refusez, je n'aurais de toute façon plus le Goût de vivre.
Je sais l'importance de la tâche qui vous incombe et les responsabilités que vous prenez en organisant cette mission. C'est pourquoi je remets mon destin entre vos mains, jamais plus fidèle dévouée vous ne trouverez.
Fleur De Montségur.
Quartier de la famille De Montségur.